Chapitres 24 et 25

Chapitre XXIV : Hôpital de Ville207 :
JOUR 19, milieu de soirée :

Je trouve un air étrange à notre médecin. Sous ses airs de bon gars de la campagne, je suis persuadé qu’il nous cache quelque chose. Les informations circulent rapidement de Capitale aux petites villes grâce aux satellites… Il est fort probable qu’on ait lancé un avis de recherche mondial sur nos têtes et je n’aime pas cette idée. Mon nez a beau être déplacé, je reste reconnaissable et je ne parle même pas de Dimitri. Ses cheveux sont toujours aussi noirs que lorsque je les lui avais teints, mais des hommes avec des yeux dorés comme les siens ne courent pas les rues. Je n’ose pas alerter mon ami, mais tout ça me travaille. Je n’ai aucune envie de retomber entre les pattes de Jensen, merci, mais j’ai déjà donné !
Une infirmière entre tranquillement dans la chambre, je suis prêt à partir depuis un moment déjà, mais Dimitri a besoin de calmants. Je trouvais justement qu’on tardait à les lui apporter. La femme me regarde bizarrement, je suis certain qu’elle sait que nous sommes recherchés, mais aussi que je l’ai déjà vu quelque part. Et merde, je… enfin, nous n’avons pas de chance.
Sans un mot, elle me tend une plaquette d’une vingtaine de pilules. Dimitri lève la tête, je ne sais pas s’il lit dans ses pensées ou s’il est juste sensible aux charmes des infirmières d'un certain âge, mais un froncement de sourcils me fait plutôt opter pour la première solution. Mes doigts se crispent autour de la sangle de mon sac de voyage.
Malgré la tension, l’infirmière continue de sourire. Lentement, elle se dirige vers la porte puis se retourne pour lui tourner totalement le dos.
« Il y a une sortie de secours à droite en sortant de votre chambre. En face, il y a un bâtiment désaffecté en pleine rénovation, la porte jaune est ouverte, vous entrerez par là puis vous refermerez la porte derrière vous. Attendez-moi là-bas. » J’ai compris ce qu’il se passe, je me contente donc de hocher de la tête en lui rendant son sourire. Le médecin a prévenu la police et d’une seconde à l’autre, elle va débouler ici. Je me demande à combien s’élève la récompense pour notre capture.
« Soyez prêt à sortir à mon signal. »
La porte se referme brusquement, Dimitri a enfilé son manteau et se tient à côté de moi. Un chariot de réanimation vient de se fracasser contre le sol du couloir, c’est certainement le signal que nous attendons. J’ouvre la porte, le docteur nous montre du doigt à deux agents de police en poussant un cri rageur, mais c’est déjà trop tard, nous avons déjà emprunté la sortie de secours.

Chapitre XXV : Dans un bâtiment en rénovation de Ville207 :
JOUR 19, tard le soir :

J’ai du mal à retrouver mon souffle, ce doit être le stress qui comprime ma poitrine comme ça. La tête entre les jambes, Dimitri ne dit rien. Sa respiration est très lourde, le petit sprint que nous avons piqué semble l’avoir exténué. À l’extérieur, nous entendons les policiers vérifier si toutes les portes sont fermées. Faite que nous ayons emprunté la bonne porte et qu’il n’y avait bien que celle-ci d’ouverte.
Celui avec la voix la plus grave ordonne aux autres de laisser tomber et d’aller fouiller un peu plus loin. Le bruit de leurs pas qui s’éloignent provoque chez moi une vague de soulagement. La dernière fois que j’ai ressenti ça, ce devait être le jour où je me suis rendu compte qu’aucun monstre ou entité n’était caché sous mon lit. C’est étrange, si on m’avait dit à l’époque que je finirais par être recherché avec une d’entre elles et que je travaillerais pour une autre, je n’aurais pas voulu y croire et aurais pleuré toutes les larmes de mon corps. Le plus drôle c’est qu’en un sens, moi aussi j’en suis plus ou moins une. Et pourtant personne dans ma famille n’a été surexposée aux radiations que généraient les premiers animantes ou présente des mutations. Si ça se trouve, mes enfants seront des entités complètes, une bonne raison de plus pour ne pas en avoir.
Notre bonne samaritaine doit attendre que les environs soient calmes pour nous rejoindre. Je tente de me souvenir d’où je la connais. Il est parfois frustrant de ne pas arriver à se rappeler de quelque chose. C’est un peu l’effet « je l’ai sur le bout de la langue », c’est au moment où on n’y pense plus que le souvenir revient dans avec une sorte de « hé, mais c’est bien sûr ! » qui forcément nous agace profondément.
« Mélian ? » Je me retourne lentement, l’infirmière nous fait signe de la suivre.
Je n’ai pas totalement confiance en elle, mais elle te connaît.
Non, mais ! Dimitri ! Tu es suicidaire ou quoi ! Tu m’avais promis !
Il ne répond rien, il a meilleur temps pour son intégrité physique ! La femme marche vite, mais malgré tout j’arrive à tenir le même rythme qu’elle. Elle me regarde du coin de l’œil comme si elle s’attend à ce que je lui dise quelque chose…
Je m’arrête quelques instants sur place. Je suis le roi des crétins ! Mais bien sûr !